Le précédent modèle, particulièrement simple, recèle beaucoup de la complexité des systèmes dynamiques.
On l'appelle bifurcation de Feigenbaum. Il s'agit plus exactement de la transformation de l'intervalle [-1;1], qui au point $x$ associe le point $1-\mu x^2$.
$\mu$ est un paramètre choisi entre 0 et 2.
C'est-à-dire $X_0 \in [-1;1], x_{n+1} = 1 - \mu X_n^2$.
On commence par regarder $\mu \in [0;0,75]$. Prenez $\mu = 0,5$, et vérifiez que pour $x_0 = 0$, on a convergence vers 0,732050807.
Avec le même $\mu$, partez de $x_0 = -0,5$ et assurez-vous qu'il y a convergence, et vers la même limite que précédemment.
Assurez-vous alors que, quelle que soit la valeur initiale $x_0$, l'évolution naturelle du système l'amène inéluctable au repos sur le point 0,732050807.
Le point 0,732050807 est donc un équilibre stable du système, pour $\mu = 0,5$.
On peut montrer que, pour toutes valeurs $\mu$ comprises entre 0 et 0,75, le système possède un équilibre stable unique $\overline{x}$, dont la position exacte dépend continûment de $\mu$.
On peut être plus précis : $\overline{x}$ est la solution du système $\mu x^2 + x - 1 = 0$.
Étudions $\mu \in [0,75 ; 1,25]$. Prenez $\mu = 1$, et vérifiez qu'indépendamment de la valeur initiale $x_0$, on aboutit à une trajectoire 2-périodique, alternant entre les valeurs 0 et 1.
Cas où $\mu \in [1,25 ; 1,368]$ : prenez $\mu = 1,3$, et découvrez une trajectoire de période 4, vers laquelle tendent toutes les autres trajectoires.
Vérifiez qu'à nouveau le $\overline{x}$ précédent est un point d'équilibre instable, et qu'il existe aussi une trajectoire 2-périodique, instable, passant par les points
$\frac{1}{2 \mu} \left( 1+ \sqrt{4 \mu -3} \right) \textrm{ et } \frac{1}{2 \mu} \left( 1 - \sqrt{4 \mu -3} \right)$
On a franchis deux catastrophes. En effet,
Mais le franchissement de la valeur $\mu = 0,75$ change le comportement qualitatif : l'équilibre stable est détruit, au profit d'une trajectoire 2-périodique.
De même, $\mu = 1,25$ est une valeur catastrophique, puisque la trajectoire 2-périodique perd sa stabilité, au profit d'une trajectoire 4-périodique.
On passe aux valeurs de $\mu$ comprises entre 1,368 et 1,401. Vérifiez que l'on a alors des doublements de période successifs. Plus précisément, assurez-vous de l'existence d'une suite infinie de valeurs catastrophiques $\mu_n$ :
Ainsi, le franchissement de ces valeurs catastrophiques dans le sens des $\mu$ croissants correspond à un doublement de la période.
On a, avec une excellente approximation :
$1,401 - \mu_n = \textrm{Constante} \times 4,6692...^{-n}$
Si l'on préfère :
$\frac{1,401 - \mu_n}{1,401 - \mu_{n+1}} = 4,6692...$
Le nombre 4,6692... est la constante de Feigenbaum, qui est maintenant connue avec une excellente précision.
Elle apparaît dans bien d'autres circonstances. Cette constante semble avoir une signification profonde, relative à des phénomènes de bifurcation en cascade.
La région $\mu \in [1,401 ; 2]$ est très mal connue ; on y cherche encore un fil conducteur.
Pour la plupart des valeurs de $\mu$, le système a un comportement chaotique : toutes les trajectoires que l'on peut trouver sont instables, et le système erre au hasard d'un bout de l'intervalle à l'autre.
Il existe toutefois, dans ce désert où règne le désordre, de petites oasis d'ordre et de stabilité, comme la région $1,75 < \mu < 1,7685$.
Prenez un $\mu$ et une valeur initiale de votre choix, dans cette région, et observez le chaos.
Plus précisément, assurez-vous de l'existence d'une suite infinie de valeurs catastrophiques $\mu_n$.
Etudiez le comportement du système pour $1,75 < \mu < 1,7685$.
Nous avons découvert des phénomènes fondamentaux :
Il semblerait que l'ordre et le chaos sont inséparables et toujours présents ensemble, que ce soit en mécanique céleste ou dans des jeux de nombres.